(tdg.ch)
«Pour moi, l’olfactif est l’antichambre du goût»
Le Beau-Rivage Palace à Lausanne vient de rouvrir son restaurant mené de main de maître par la cheffe triplement étoilée Anne-Sophie Pic. Confidences.
La cheffe Anne-Sophie Pic dans son nouveau restaurant du Beau-Rivage Palace à Lausanne.
HUBLOT
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La troisième étoile. Voilà ce que vise le Beau-Rivage Palace à Lausanne avec son restaurant PIC. Un objectif qui, selon la cheffe Anne-Sophie Pic, ne pouvait être atteint sans une révision complète de la copie. Plus vaste et fraîchement rouvert au public, le restaurant rayonne désormais d’une douceur solaire, à l’image de la capitaine du navire. Roses poudrés, blancs ivoire et déclinaisons de tons chauds répondent au bois veiné partout présent. L’ambiance est élégante et lumineuse, loin du côté sombre et suranné d’avant travaux: «Le cadre n’était pas en adéquation avec ce que nous souhaitions construire. Nos équipes n’étaient pas mises en valeur. Elles manquaient de motivation. Avoir un espace dédié où elles ont la possibilité de travailler avec un outil extraordinaire était vraiment nécessaire.»
C’est l’hôtel bien sûr qui a décidé d’investir. Mais 15 ans de collaboration, ça forge des liens et la complicité est palpable. «Nous, nous investissons dans la formation, la transmission et l’élaboration du lieu», précise Anne-Sophie Pic. Il faut dire aussi qu’elle est la cheffe la plus étoilée du monde; huit étoiles pour quatre restaurants (Valence, Paris, Lausanne et Londres). Pour autant, la grande dame a su rester humble. La générosité pétille dans son regard. On la sent curieuse, audacieuse, rêveuse, voire utopiste, et par-dessus tout, sensible. Ses plats, sont des morceaux de bonheur à partager.
Ambassadrice Hublot
Impossible pour Hublot de passer à côté d’une telle personnalité. La marque horlogère suisse en a fait son ambassadrice en 2021. «Un honneur», assure-t-elle. «Cela a très vite fonctionné. Je suis allé visiter la manufacture à Nyon; c’est fascinant. Et j’ai fait la connaissance de ses personnalités comme dernièrement, Julien Tornare, le tout nouveau CEO de la marque. Je me sens en adéquation avec leur constante quête d’innovation et d’excellence qui n’en préserve pas moins une certaine tradition. Et que je sois en Suisse depuis 2009, cela donne aussi du sens à ce partenariat.» Si Hublot se prévaut de «l’art de la fusion», le maître-mot d’Anne-Sophie Pic a davantage à voir avec l’imprégnation: «La cuisine, c’est une forme d’alchimie qui se crée et qui fait que l’on parvient à une évidence.»
Pour la Française, elle est une histoire d’association de saveurs: «Lorsque j’ai débuté il y a 30 ans, la gastronomie française boudait les sauces, parce qu’elles étaient critiquées par les Américains. Selon eux, elle était lourde et ne se renouvelait pas. Elle était en train de s’éteindre. J’ai donc commencé à travailler les sauces pour les introduire dans mes plats. Parce que c’est un liant et je pense que la marque de fabrique d’un chef, c’est ce liant.» Fascinée par les parfumeurs, Anne-Sophie explore alors la technique d’enfleurage: «Pour moi, l’olfactif est l’antichambre du goût. J’ai appris à tous mes chefs à construire un plat en fonction de cette trame aromatique, de la façon la plus naturelle possible. Et qui dit trame aromatique dit le végétal, en grande partie.»
Voyage végétal
Au Beau-Rivage Palace, les mets sont en effet riches de fleurs et de plantes. Au nouveau bar intégré au restaurant, elles sont exposées en bonne place, au-dessus des breuvages utilisés pour concocter ce que l’on nomme ici les boissons cuisinées, alcoolisées ou non. Thés et cafés se mêlent d’ailleurs à beaucoup d’entre eux. Avec une subtilité des plus inattendues. Là aussi, les accords de saveurs et d’odeurs sont rois. Côté végétaux, la faveur de la cheffe va à la lavande.
Une fleur qui n’est pas sans rappeler Valence où son grand-père André – l’un des premiers chefs auréolés de trois étoiles par le Guide Michelin, en 1934 – avait ouvert son restaurant. Comme en témoigne une photo en noir et blanc exposée dans l’une des vitrines environnantes, où l’on voit la petite Anne-Sophie attablée avec ses parents, c’est là qu’elle a grandi, au rythme du restaurant familial. «J’ai commencé à travailler la lavande sur un ris de veau et carottes dans mes jeunes années.»
Le géranium rosat aussi est l’un de ses favoris. Tout comme les poivres: «J’aime beaucoup le Voatsiperifery; c’est le poivre sauvage de Madagascar. Il a émergé il y a une quinzaine d’années. J’ai été l’une des premières cheffes à le travailler. Aujourd’hui, j’aime également utiliser les poivres français ou suisses. Je me suis beaucoup concentrée ces dernières années à aiguiser mes connaissances sur le végétal.» D’ailleurs, Anne-Sophie Pic s’est mis en tête de remettre en état cette serre jadis destinée aux jardiniers de l’hôtel. Elle devrait pouvoir l’exploiter d’ici à une année. Affaire à suivre.
«À table»
Recettes, découvertes culinaires, bonnes adresses… de quoi vous inspirer et régaler vos proches. Chaque vendredi.Sylvie Lefebvre-Guerreiro est rédactrice en chef du magazine Tribune des Arts depuis 2021. Journaliste au service du même titre depuis janvier 2000, elle est spécialisée dans l'art, l'horlogerie et la joaillerie. Plus d'infos
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